Chambre avec vue

Nid Balbuzard à Hageck

En préparation de la saison Balbuzard 2021, nous venons de construire une nouvelle plateforme de nidification dans un lieu très spécial : la réserve naturelle du delta de l’Aar à Hagneck, au bord du lac de Bienne. Ce site est particulièrement stratégique puisque l’année dernière Arthur (né en 2018 et bagué F12) y a passé une grande partie de l’été. Nous espérons qu’il reviendra de sa migration (longue probablement de 8-9.000 km aller-retour) et qu’il trouvera à son goût la vue magnifique depuis ce nid.

Cette plateforme est la 22ème mise en place par le Projet Balbuzard de Nos Oiseaux, cette fois avec le généreux soutien du CEPOB (Centre d’Etude et de Protection des Oiseaux, Bienne et environs), qui a parrainé sa construction pour l’occasion de son 40ème anniversaire. Installée avec toutes les autorisations nécessaires, cette « chambre avec vue » n’aurait pas pu être réalisée sans le superbe travail des grimpeurs Christian Grand et Yann Marbach, ainsi que l’appui au sol d’Emile Curty et de plusieurs autres bénévoles. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour qu’Arthur revienne ce printemps ! Pour quelques photos de l’équipe en pleine action, voir ici

L’équipe 2020

Nous avons eu une autre bonne saison en 2020, avec l’envol et le départ en migration de l’ensemble des 12 jeunes lâchés, sans oublier deux autres, Taurus PS7 (de 2017) et Arthur F12 (de 2018), qui sont revenus en Suisse. Un tel succès a été rendu possible grâce au travail de nombreuses personnes, cette année comme les précédentes. Grand merci en particulier aux bénévoles qui ont passé au moins deux semaines de leur précieux temps à aider sur le terrain à Bellechasse : Océane Cordoliani, Christophe Chaigne, Niels Friedrich, Martine Guex-Meier, Alba Hendier, Sven Henrioux, Johnny Kursner, Florian Meier, Catherine Robert, Jean-Luc Simon and Marièle Zufferey. Ils ont tous travaillé avec enthousiasme avec les techniciennes Balbuzard Cyrielle Boudon et Marine Brunel, le bénévole de longue date Denis Landenbergue et la coordinatrice du projet Wendy Strahm. Sans oublier Adrian Aebischer, Michel Beaud, Emile Curty, Pascal Rapin, Christine Rast, Pascal Schöpfer et bien d’autres collègues et sympathisants qui ont contribué au projet d’une manière ou d’une autre en 2020 (tous mentionnés dans notre rapport de mars 2021 dans la revue Nos Oiseaux). Nos chaleureux remerciements à toutes et tous !

Au revoir Amphore

Migration Balbuzard Amphore 17 septembre 2020

Le lauréat du concours du « dernier à partir » cette année a été Amphore (F30), une jeune femelle originaire d’Allemagne, baptisée d’après la forme du dessin sur sa tête. Après des journées passées à l’observer longuement couchée et se déplaçant seulement pour manger, nous avons réalisé que (très à propos) « Amphore » était l’anagramme d’ « amorphe » ! Toutefois ce qui pouvait ressembler à une certaine « paresse » venait juste du fait qu’elle était le plus jeune des oiseaux allemands. Elle s’est d’ailleurs rapidement montrée plus active à mesure qu’elle devenait une grande et belle femelle (voir photo prise la veille de son départ). Le 17 septembre, par une météo ensoleillée avec forte bise, elle a filé haut et loin en direction du lac de Neuchâtel, marquant ainsi la fin de notre saison 2020.

Les premiers à migrer avaient été Zeppelin (F26) le 15 août et Olympe (F28) le 25. Six de plus sont ensuite partis dans les quatre premiers jours de Septembre :  Méandre (F25), Volcan (F31), Tonnerre (F32), Jedi (F35), Tulipe (F36) et Gustave (F27), suivis de peu le 7 par Racine (F29). Les trois derniers,  qui semblaient très liés et pas pressés de partir, donnaient plutôt l’impression de vouloir profiter de l’été indien à Bellechasse. Les deux plus jeunes norvégiens, Rugby (F33) et Silex (F34), ont finalement migré respectivement les 15 et 16 septembre, imités le jour d’après par Amphore.

Pour ce qui est des deux mâles au retour confirmé cette année, Arthur (F12, né en 2018) est parti le 1er septembre et Taurus (PS7, né en 2017) le 4. Par ailleurs David Meyer, qui avait découvert Mouche (PR4, née en 2016) en Moselle et suivi sa première tentative de nidification, nous signale qu’elle et son partenaire y ont passé l’été et ont été observés pour la dernière fois ensemble le 1er septembre.

Bilan positif donc pour cette saison, même si malgré tous nos efforts, nous n’avons cette année encore pas réussi à relâcher beaucoup plus de mâles que de femelles. La raison pour laquelle nous espérons réintroduire une proportion plus grande de mâles vient du fait que, plus philopatriques, ils reviennent traditionnellement dans la région de leur premier envol, ce qui est beaucoup moins fréquent pour les femelles. Sous réserve des résultats de l’analyse ADN attendus dans le courant de l’automne, il semblerait que cette année nous ayons relâché sept mâles et cinq femelles.

Alors que la saison tire à sa fin, un tout grand merci une fois encore à l’équipe du projet Balbuzard pour son engagement et son enthousiasme à prendre soin des oiseaux et à garantir leur départ en toute sécurité vers des horizons inconnus.

Deux sur deux

Zeppelin F26 et Olympe F28 Balbuzards

Alors que jusqu’à présent deux des 12 jeunes Balbuzards réintroduits cette année en Suisse ont entrepris leur migration, nous venons de recevoir d’excellentes nouvelles : ils ont tous les deux été repérés en escale en France! Une fois seulement auparavant, un de nos oiseaux avait été identifié en Europe durant sa migration d’automne : Georges (F03), vu en Espagne en septembre 2018.

Cet été Zeppelin (F26) a été notre premier jeune à partir le 15 août, une semaine avant le départ le plus précoce précédemment enregistré par le projet (celui de Tache (PS6) le 22 août 2017).  Nous sommes heureux d’apprendre qu’il a été vu en train de pêcher le 27 août, en compagnie de trois autres Balbuzards, par Jean-Louis Pujol à l’Etang de Vaccarès en Camargue – à tout juste 3 km de chez Luc Hoffmann (grand fan du Balbuzard et supporter de sa réintroduction) à la Tour du Valat.

Olympe (F28), qui a quant à lui commencé sa migration le matin du 24 août vers 9h30, a été photographié par Philippe Thouvenot au Marais d’Usanges, dans le département de la Lozère, le 25 août à 19h00, ayant parcouru une distance de 400 km en moins d’un jour et demi. Merci à Paul Lesclaux (gestionnaire de la réintroduction en cours du Balbuzard au Marais d’Orx, dans le sud-ouest de la France), d’avoir attiré notre attention sur cette précieuse observation.

Les deux oiseaux avaient été translocalisés d’Allemagne orientale le 30 juin et relâchés en Suisse le 25 juillet, équipés d’un minuscule émetteur radio dont l’antenne est bien visible sur les photos. Nos meilleurs voeux à tous les deux pour la continuation de leur premier voyage vers l’Afrique tropicale!

Arthur, star de l’été 2020

Le Balbuzard Arthur à Hagneck, Lac de Bienne

Arthur (F12), Balbuzard mâle âgé de deux ans revenu pour la première fois en Suisse cette année, est sans le moindre doute l’une des stars ornithologiques de cette saison. Il a été vu ou photographié à Hagneck, au bord du lac de Bienne, presque chaque jour depuis début juillet!

Quant à Taurus (PS7), mâle âgé de trois ans et de retour pour la deuxième fois cette année, il a été vu dans la région des Trois-Lacs entre les 9 avril et 27 mai, et de nouveau (après une étonnante absence de signalement pendant presque deux mois) à partir du 22 juillet, date depuis laquelle il a été observé quotidiennement.

Concernant Fusée (PR9), premier de nos mâles à être revenu en 2018 puis encore en 2019, aucune nouvelle de lui n’a jusqu’à présent été obtenue cette année. La météo exceptionnellement mauvaise qui a causé la disparition de nombreux Balbuzards pendant la dernière migration printanière nous font craindre qu’il n’ait peut-être pas survécu, sauf s’il a réussi à passer l’été incognito dans un endroit isolé ou rarement visité.

Les 12 jeunes translocalisés cette année depuis l’Allemagne et la Norvège ont tous bien pris leur envol. La plupart ont commencé à explorer leur région d’adoption, visitant des lieux tels que le lac de Morat, la réserve naturelle du Fanel au lac de Neuchâtel, la retenue du barrage de Niederried le long de l’Aar ou encore la réserve naturelle de l’Auried près de Kleinbösingen. Le plus avancé des douze, Zeppelin (F26), est déjà parti en migration, et d’autres départs sont attendus d’un jour à l’autre.

Nous remercions toutes les personnes qui nous ont déjà transmis des observations ou des photos. C’est aussi l’occasion de rappeler que pour tout Balbuzard vu en Suisse (qu’une bague soit remarquée ou pas), l’indication de l’heure d’observation constitue toujours une grande valeur ajoutée.

Une femelle de plus!

Plume F02 en Bavière

Nous avons reçu des bonnes nouvelles de Plume (F02), femelle née en 2018 dans la province allemande de Saxe-Anhalt et translocalisée en Suisse, où elle avait été relâchée le 23 juillet avant de partir en migration le 2 septembre. Elle a été récemment immortalisée grâce à un piège-photo, le 7 juillet, sur une plateforme de nidification construite par Daniel Schmidt au nord-est de la Bavière. Des photos transmises par le forestier Matthias Gibhardt sont les premières preuves de son retour en Europe.

Plume n’est toutefois pas revenue dans la région de son premier envol, mais a rejoint une population nicheuse ailleurs, ce qui est assez typique pour les femelles de cette espèce. Avant elle, Mouche (PR4) avait fait la même chose, s’intégrant à une petite population nicheuse en Moselle à quelques 200 km de Bellechasse. Plume vient d’en repérer une autre plus distante, à environ 500 km de son site de lâcher (et 200 km de son lieu de naissance).

Concernant les mâles en revanche, les trois « suisses » identifiés jusqu’à présent de retour (Fusée PR9; Taurus PS7 et Arthur F12) sont revenus dans la région des Trois-Lacs où ils avaient été relâchés. Ce qui signifie que sur les six oiseaux réintroduits à Bellechasse dont le retour a déjà été certifié, au moins un mâle et une femelle de chaque année ont survécu à la migration : Fusée et Mouche de 2016, Taurus et Flamme KF6 de 2017, et maintenant Arthur et Plume de 2018. Alors que notre taux actuel de retour de 16% est un peu plus bas que les 20% notés par exemple au projet de réintroduction de Rutland Water en Angleterre (premier du genre en Europe), la saison 2020 n’est pas encore terminée et nous pouvons toujours espérer d’autres bonnes nouvelles. En particulier, au moins une observation de Balbuzard avec bague bleue ce printemps dans la vallée du Doubs semble concerner un autre mâle de retour, mais jusqu’à présent nous ne sommes pas sûrs de son identité.

Un autre signe encourageant est qu’il y a eu plusieurs observations de femelles non baguées en Suisse occidentale durant la première moitié de cet été, ce qui est plutôt inhabituel à cette époque. On se tient les pouces pour que l’une d’elles croise un jour le chemin d’un de nos mâles !

Entre Covid-19 et tempêtes

Bagueurs de Balbuzard sur pylône haute tension

Relâcher des Balbuzards en Suisse ne nous avait jamais confronté à autant de défis que cette année. Nous avons même craint que la pandémie de Covid-19 et plusieurs tempêtes au nord de l’Europe nous obligent à renoncer à au moins une partie du programme de cette saison. Néanmoins, grâce aux efforts de tous nos partenaires, nous sommes heureux d’annoncer que 12 jeunes (6 d’Allemagne et 6 de Norvège) ont finalement pu être importés.

Une météo exécrable en Norvège a rendu particulièrement difficile pour Rune Aae et son équipe le baguage et la collecte des poussins cet été. De plus, comme aucun vol direct ne fonctionnait pour transporter les jeunes d’Oslo vers la Suisse, il a d’abord fallu les acheminer à Francfort par avion, avant de les conduire à leur destination par la route. Grand merci à Hans Bakkland de SAS Cargo, Marianne Imhof de Global Pet Moving, Rene Belgar de Gradlyn-The Animal Travel Agency, et Markus Häring d’Interfracht pour leur aide précieuse avec les formalités qui ont rendu l’opération possible. A quiconque ayant besoin de convoyer des animaux d’un pays à un autre, on ne peut que chaleureusement les recommander !

En Allemagne, 6 jeunes ont été collectés grâce à la légendaire efficacité de Daniel Schmidt-Rothmund, Holger Gabriel (casque jaune sur la photo) et Mario Firla. Grand merci à eux, ainsi qu’à la compagnie d’électricité Mitnetz Strom qui leur a permis de réaliser en toute sécurité leur important travail scientifique et de conservation.

En Moselle, de mauvaises conditions météo – et peut-être aussi le manque d’expérience – ont malheureusement provoqué l’échec de la première tentative de nidification de Mouche (PR4). En effet David Meyer, qui nous avait signalé qu’au moins un jeune était né, a constaté l’abandon du nid, même si le couple est resté dans le secteur. Les Balbuzards restant souvent unis pour la vie, espérons que les deux adultes reviendront de migration et se reproduiront à nouveau l’année prochaine.

Entretemps nos 12 jeunes se portent bien en Suisse, où ils apprécient le poisson frais généreusement fourni par des pêcheurs professionnels locaux, tout comme les soins prodigués par une fabuleuse équipe de projet.

Heureux événement pour Mouche

Mouche et AM06 nourrissent un jeune ou plus

Elle a réussi ! Mouche PR4, née en Allemagne orientale puis translocalisée à l’âge de 5-6 semaines en Suisse, d’où elle était partie en migration le 25 août 2016, vient de donner naissance dans le département français de Moselle. Nous avons reçu cette super-nouvelle de David Meyer qui assure le suivi de son nid construit au sommet d’un grand arbre mort – donc impossible pour le moment de savoir combien de poussins s’y trouvent. Le mâle, bagué AM06, a été vu le 30 mai (photo en digiscopie) apportant au nid un poisson que Mouche a soigneusement dépecé avant de nourrir un ou plusieurs poussins.

C’est la première fois depuis plus d’un siècle qu’un Balbuzard ayant pris son envol en Suisse se reproduit : une nouvelle étape importante pour le projet de « Nos Oiseaux ».

Comme c’est souvent le cas pour un Balbuzard femelle, Mouche s’est établie relativement loin du lieu de son premier envol, intégrant une petite population nicheuse en Moselle. Après avoir été vue une seule fois en 2018 dans le département voisin de Meurthe-et-Moselle, en 2019 elle a trouvé un partenaire avec lequel elle a tardivement construit un nid durant l’été. Notre espoir était donc grand que les deux oiseaux reviennent de migration et se reproduisent cette année.

Après le premier retour (Fusée PR9) en 2018, et maintenant la nidification de Mouche dans l’est de la France, la prochaine étape espérée est qu’un couple se forme en Suisse dans les années à venir. En attendant, meilleurs vœux de réussite à Mouche et à son partenaire pour l’élevage de leur première famille en Moselle ! 

Bienvenue au roi Arthur

Chaque jeune Balbuzard a son propre caractère, mais certains sont plus mémorables que d’autres. Arthur (F12), un mâle relâché en 2018, a fait preuve d’un talent particulier pour nous stresser. Nommé d’après le roi Arthur vu le motif en forme de couronne sur sa tête, il avait été collecté sur le nid le plus difficile auquel l’expert norvégien Rune Aae ait jamais dû grimper.

En Suisse, où il partageait une cage avec Roger (F01), Arthur s’est d’abord distingué en « tombant » d’un perchoir à deux reprises avant d’y remonter – seule observation du genre que nous ayons faite. Quand les deux jeunes ont été relâchés le 1er août, Roger s’est envolé tôt le matin vers une proche plateforme de nid, alors qu’Arthur a passé presque toute la journée sur la porte ouverte de sa cage. Ce n’est qu’en début de soirée qu’il a finalement pris son envol, allant se percher 10 minutes en équilibre instable sur un câble de ligne électrique avant de se poser sur un pylône pour la nuit. Le lendemain, plutôt que de se nourrir à notre « restaurant à Balbuzards » comme tous les autres jeunes, il a d’abord essayé – sans succès – de voler le poisson d’un congénère.

Le 5 août, jour exceptionnellement chaud avec des températures allant jusqu’à 34°, Arthur s’est subitement retrouvé au sol en bordure d’une petite zone humide, n’essayant alors même pas de s’envoler. Par chance, grâce au petit émetteur radio dont tous nos jeunes sont équipés, nous avons vite pu le récupérer et le réinstaller dans sa cage, après quoi il a pu être relâché deux jours plus tard.

Le 1er septembre, Arthur s’est retrouvé dans une autre situation inconfortable, sa patte droite s’étant coincée entre sa queue et l’antenne de son émetteur. Si cela ne l’empêchait pas de voler ni de se nourrir, il lui a toutefois fallu plusieurs heures pour réussir à se « libérer » de cette entrave. Suite à cette ultime mésaventure, il est parti en migration le 4 septembre 2018, date depuis laquelle nous n’avions plus eu de ses nouvelles jusqu’au 14 mai 2020, quand Pierre Béguin l’a repéré à 13 km du site de lâcher. Compte tenu de ses antécédents de jeunesse,  nous n’aurions pas imaginé qu’Arthur serait le premier oiseau de retour de la « volée 2018 ».  Espérons que son adolescence sera plus facile que son enfance !

The Osprey in Switzerland