Bienvenue au roi Arthur

Chaque jeune Balbuzard a son propre caractère, mais certains sont plus mémorables que d’autres. Arthur (F12), un mâle relâché en 2018, a fait preuve d’un talent particulier pour nous stresser. Nommé d’après le roi Arthur vu le motif en forme de couronne sur sa tête, il avait été collecté sur le nid le plus difficile auquel l’expert norvégien Rune Aae ait jamais dû grimper.

En Suisse, où il partageait une cage avec Roger (F01), Arthur s’est d’abord distingué en « tombant » d’un perchoir à deux reprises avant d’y remonter – seule observation du genre que nous ayons faite. Quand les deux jeunes ont été relâchés le 1er août, Roger s’est envolé tôt le matin vers une proche plateforme de nid, alors qu’Arthur a passé presque toute la journée sur la porte ouverte de sa cage. Ce n’est qu’en début de soirée qu’il a finalement pris son envol, allant se percher 10 minutes en équilibre instable sur un câble de ligne électrique avant de se poser sur un pylône pour la nuit. Le lendemain, plutôt que de se nourrir à notre « restaurant à Balbuzards » comme tous les autres jeunes, il a d’abord essayé – sans succès – de voler le poisson d’un congénère.

Le 5 août, jour exceptionnellement chaud avec des températures allant jusqu’à 34°, Arthur s’est subitement retrouvé au sol en bordure d’une petite zone humide, n’essayant alors même pas de s’envoler. Par chance, grâce au petit émetteur radio dont tous nos jeunes sont équipés, nous avons vite pu le récupérer et le réinstaller dans sa cage, après quoi il a pu être relâché deux jours plus tard.

Le 1er septembre, Arthur s’est retrouvé dans une autre situation inconfortable, sa patte droite s’étant coincée entre sa queue et l’antenne de son émetteur. Si cela ne l’empêchait pas de voler ni de se nourrir, il lui a toutefois fallu plusieurs heures pour réussir à se « libérer » de cette entrave. Suite à cette ultime mésaventure, il est parti en migration le 4 septembre 2018, date depuis laquelle nous n’avions plus eu de ses nouvelles jusqu’au 14 mai 2020, quand Pierre Béguin l’a repéré à 13 km du site de lâcher. Compte tenu de ses antécédents de jeunesse,  nous n’aurions pas imaginé qu’Arthur serait le premier oiseau de retour de la « volée 2018 ».  Espérons que son adolescence sera plus facile que son enfance !

Bon timing Mouche !

Roy Dennis avec Vache d'Hérens

Alors qu’on réfléchissait à un cadeau pour Roy Dennis à l’occasion du grand anniversaire qu’il fête aujourd’hui, la nouvelle ne pouvait pas tomber plus à pic. Mouche (PR4), translocalisée d’Allemagne et relâchée en Suisse en 2016, semblait déjà bien partie pour nicher avec AM06 dans le département français de Moselle.  Or David Meyer vient de nous annoncer qu’elle est en train de couver ! Comme le nid est au sommet d’un grand arbre mort, nous ignorons combien d’œufs s’y trouvent. Il faudra donc probablement patienter jusqu’au mois prochain pour d’autres nouvelles.

Le projet suisse de réintroduction, qui a débuté en 2015 avec la translocalisation de six jeunes Balbuzards d’Écosse, a énormément bénéficié du soutien et des conseils permanents de Roy. Chaleureux remerciements pour toutes ses précieuses décennies d’expérience, et meilleurs vœux pour un magnifique 80ème anniversaire et de nombreuses autres années à protéger les Balbuzards, les Pygargues à queue blanche et toutes les autres espèces auxquelles il se consacre. 

Alors que Mouche, « notre » première femelle reproductrice connue, niche aujourd’hui en France voisine, espérons qu’une femelle « étrangère » nous rendra la politesse et viendra rejoindre un de nos mâles célibataires en Suisse.

Mâles célibataires cherchent femelle

Niederried reservoir

Nous sommes heureux d’annoncer qu’au moins deux de « nos » mâles sont déjà revenus en Suisse ce printemps. Ils tentent actuellement de repérer et d’attirer une femelle de passage, processus qui peut souvent prendre plusieurs années. Il est intéressant de noter que dans tous les projets de réintroduction réalisés à ce jour en Europe, les premiers à revenir ont été des mâles relâchés localement, et qu’ils se sont tous appariés avec une femelle ayant pris son envol ailleurs, parfois même dans un autre site réintroduction.

La Station ornithologique suisse a récemment rappelé les règles de comportement irréprochable, et jamais la « distanciation sociale » entre les observateurs et les oiseaux n’est plus importante que pendant la saison de reproduction. Au moment d’établir un territoire, les Balbuzards sont particulièrement sensibles aux dérangements. Nous remercions donc toute personne qui aurait la chance de voir un de nos oiseaux de faire très attention à ne pas le déranger, en gardant une distance d’au moins 400 m. Les Balbuzards sont extrêmement méfiants vis-à-vis de quiconque essayant de les approcher, et ils associent facilement la vue d’un téléobjectif à celle d’une arme à feu – un réflexe d’auto-protection développé au cours de nombreuses générations.

Entre autres endroits favorables pour l’observation du Balbuzard dans la région des Trois-Lacs, relevons les réserves du Fanel et du Chablais de Cudrefin au lac de Neuchâtel, Hagneck et l’île St-Pierre au lac de Bienne, l’ensemble du lac de Morat, et le secteur allant de la retenue du barrage de Niederried (photo) à la réserve naturelle d’Auried le long de l’Aar et de la Sarine.  Les observations postées sur ornitho.ch ou transmises directement ici sont toujours appréciées, tout particulièrement si l’heure d’observation est précisée ou si une bague bleue est remarquée à la patte droite.

Mouche en Moselle

Mouche et AM06 en Moselle

Depuis le 5 avril, Mouche (PR4) est de retour dans le département français de Moselle, où elle a rejoint son partenaire allemand AM06, repéré pour la première fois le 18 mars. Grand merci à David Meyer qui nous a transmis cette excellente nouvelle, et à Heidi Meyer pour la photo d’un accouplement qu’elle est parvenue à prendre à très grand distance, à travers une longue-vue avec son téléphone portable.

Né en Allemagne orientale dans le land de Saxe-Anhalt, Mouche avait été translocalisée en Suisse où elle avait été relâchée le 23 juillet 2016, avant de finalement partir en migration le 25 août. Elle avait été découverte pour la première fois de retour en Europe le 16 juin 2018 par Patrick Hostert dans le département français de Meurthe-et-Moselle, mais n’avait ensuite pas été revue cette année-là.

En 2019, elle avait été retrouvée et suivie par David Meyer et Dominique Lorentz en Moselle voisine du 26 juillet au 28 août. Elle n’était alors plus toute seule, s’étant appariée tard dans la saison avec AM06 avec lequel elle a même construit un nid ! L’espoir était grand que les deux reviennent de migration en 2020, et la chance a permis que nos vœux deviennent réalité.

Mouche est le premier Balbuzard relâché par le projet suisse de réintroduction à s’apparier et à montrer des signes de vouloir se reproduire. S’agissant d’une femelle, il n’est pas surprenant qu’elle se soit établie dans un territoire situé à environ 200 km de Bellechasse, les femelles de Balbuzards étant d’habitude moins attachées que les mâles à la région de leur premier envol. Le cantonnement d’AM06 en Moselle est en revanche plutôt exceptionnel. Né dans l’état de Brandebourg en Allemagne orientale en 2016 – la même année que Mouche –, il a sans doute été attiré par la présence dans la région d’une petite population nicheuse ainsi que par celle d’une attrayante femelle célibataire. Autant de raisons pour susciter une exception à la règle selon laquelle les mâles de Balbuzards retournent d’habitude nicher dans la région où ils ont pris leur premier envol.

Avec le confinement lié à la crise sanitaire du Covid-19, les possibilités de suivre le nid seront limitées ce printemps. Du même coup les oiseaux jouiront d’une paix et d’une tranquillité exceptionnelles, conditions bienvenues sachant qu’il est essentiel pour les Balbuzards nicheurs de ne subir aucun dérangement.

Rapport de la cinquième année du projet

Balbuzard à Hagneck 2019

Un rapport sur la “Cinquième année de réintroduction du Balbuzard pêcheur Pandion haliaetus en Suisse” a paru dans le fascicule de mars 2020 de la revue Nos Oiseaux. Il relate, entre autres, le cas de trois oiseaux réintroduits à Bellechasse et qui sont déjà revenus de leur migration : pour la deuxième fois, le mâle Fusée en Suisse et la femelle Mouche dans l’est de la France (tous deux de la volée 2016), et pour la première fois, le mâle Taurus (de la volée 2017) dans la région des Trois-Lacs. Mouche a même trouvé un partenaire avec lequel elle a construit un nid en Moselle, bien que trop tardivement dans la saison pour une reproduction ! En 2019, 12 jeunes oiseaux supplémentaires ont été translocalisés d’Allemagne et de Norvège et tous sont bien partis en migration. Notre programme de construction de nids s’est poursuivi et a permis d’atteindre à ce jour un total de 21 plateformes installées. L’article est téléchargeable ici.

La constitution de l’équipe de bénévoles est actuellement en cours pour l’été 2020. Si vous êtes intéressé(e) et disponible pour une période de deux semaines entre fin juin et mi-septembre, il reste encore quelques places – n’hésitez pas à nous contacter ici.

Flamme (KF6) en Gambie

Balbuzard Flamme KF6 en Gambie

Très bonne nouvelle : Flamme (KF6) a été repéré, pour la première fois depuis son lâcher en 2017, le 2 mars en Gambie par Chris Woods et Joanna Dailey ! Né au sud de la Norvège dans une famille de trois jeunes,  il pesait 1480 g peu avant d’être relâché. Ce qui nous avait fait penser qu’il était probablement un mâle, ceux-ci pesant d’habitude moins de 1,5 kg alors que les femelles sont généralement plus lourdes. Le résultat d’un sexage par par ADN n’avait cependant malheureusement pas été concluant pour cet oiseau.

S’agit-il finalement d’un mâle ou d’une femelle ? Même avec les belles photos prises par Chris et Joanna, l’incertitude subsiste.  Alors que Flamme arbore une large bavette sombre d’habitude typique chez les femelles, certains mâles en ont parfois aussi une. Une photo montrant son dessous des ailes assez pâle et sa tête relativement petite suggère toutefois que l’oiseau serait plutôt un mâle. La question est pertinente, sachant que les mâles sont plus philopatriques que les femelles. Si Flamme est un mâle et si sa migration de retour se passe bien, la probabilité serait alors plus grande qu’il soit revu en Suisse dans les semaines ou mois à venir.

Balbuzard Flamme KF6 en GambieIl n’en reste pas moins extraordinaire que Flamme est le troisième Balbuzard du projet suisse découvert dans l’aire d’hivernage de l’espèce en Afrique subsaharienne, après qu’un mâle inconnu de 2016 a été photographié au Sénégal (sans que sa bague bleue soit lisible) en décembre de cette année-là, puis que Fusée (PR9), un autre mâle de 2016, a été identifié à quatre reprises dans ce même pays pendant l’hiver 2018-19.

L’équipe 2019

Nous avons eu une excellente saison 2019, avec l’envol et la migration de l’ensemble des 12 oiseaux lâchés, sans oublier deux autres,  Fusée PR9 (de 2016) et Taurus PS7 (de 2017), qui sont revenus en Suisse. Un tel succès a été rendu possible grâce au travail de nombreuses personnes, cette année comme les précédentes. Grand merci en particulier aux bénévoles qui ont passé au moins deux semaines de leur précieux temps sur le terrain à Bellechasse : Sandra Hails, Amy Hall, Jérémy Jenny, Marie-Jo Küch, Johnny Kursner, Danièle Ligron, Michèle Looten, Rim Maamouri, Gary Miller, Bernard Monnier, Thierry Schmid et Marièle Zufferey. Ils ont tous travaillé avec enthousiasme avec les techniciennes Balbuzard Marine Brunel (remplacée pour une semaine par Emmanuel Carino) et Andreia Dias, le bénévole de longue date Denis Landenbergue et la coordinatrice du projet Wendy Strahm. Sans oublier Adrian Aebischer, Michel Beaud, Emile Curty, Pascal Rapin, Christine Rast, Pascal Schöpfer et bien d’autres collègues et sympathisants qui ont contribué au projet d’une manière ou d’une autre en 2019 (tous mentionnés dans notre rapport de mars 2020 dans la revue Nos Oiseaux). Nos vifs remerciements à toutes et tous!

Cap de 20 nids dépassé

Equipe de sol construction des nids balbuzards

Suite à la construction de cinq plateformes supplémentaires depuis le printemps (les deux dernières ce week-end), leur nombre total se monte à 21, la majorité avec une vue imprenable sur l’un ou l’autre des lacs de la région. Grand merci à nos super-grimpeurs Christian et Paco Grand, ainsi qu’aux autres bénévoles* grâce à qui tout ce travail a pu être réalisé.

Même avec le cap symbolique de 20 nids dépassé, nous continuerons d’en construire d’autres afin d’offrir le plus grand choix possible aux Balbuzards de retour. Les plateformes sont toujours installées dans des endroits tranquilles, à l’écart des nombreux chemins et sentiers très parcourus qui constellent le Plateau suisse.

Plateforme pour BalbuzardUn de nos prochains défis sera de les contrôler régulièrement, pour  savoir si l’une ou l’autre viendrait à être adoptée. Le moment venu, toutes les mesures pour garantir la sécurité et la quiétude des oiseaux devront naturellement être prises.

*Emile Curty, Henri Vigneau, Michel Beaud, Yann Marbach, Wendy Strahm, Denis Landenbergue, Carmen Sedonati et Joachim Haldi

Derniers du lot

Balbuzard Cèpe à Hagneck, Suisse

Nos « derniers du lot » Cactus (F24) et Cèpe (F15) sont finalement partis en migration le 17 septembre, clôturant ainsi la saison Balbuzard 2019 à Bellechasse. Ils ont presque égalé le record des départs les plus tardifs depuis le début du projet, celui de deux jeunes qui avaient migré le 19 septembre 2015.

Cactus a été le dernier à prendre son envol le 12 août, alors que Cèpe avait été l’un des premiers lâchés le 19 juillet. Il a donc établi le record du plus long séjour entre sa libération et son départ, soit 60 jours (le précédent était de 49 jours, par PR1 en 2016).

Détail intéressant, les derniers départs de 2019 ont été très similaires à ceux de 2015. Cette année-là, le dernier mâle (PP4) avait donné l’impression d’attendre le départ de la plus jeune femelle (PP1) avant d’enfin migrer à son tour. Or cet été nous avons eu le sentiment que Cèpe (photographié le 8 septembre par Adrian Schmid à Hagneck) a lui aussi attendu le départ de Cactus (également la plus jeune femelle) avant d’entreprendre le grand bond.

Grâce à la fantastique équipe Balbuzard qui a pris soin non-stop de nos oiseaux cette année, 2019 a été un grand cru, avec 12 jeunes élevés, lâchés et partis en migration avec succès. Il ne reste plus à présent qu’à leur souhaiter bon voyage, et à espérer qu’autant d’entre eux que possible reviendront dans 2-3 ans.

Top départ

Cèpe at Chavornay

Tino (F22), mâle originaire de Norvège, a été le premier des 12 jeunes relâchés cette année à migrer (le 25 août, 27 jours après son premier envol). Son timing est très semblable à celui de Roger (F07, aussi norvégien) l’année dernière (26 août 2018, 25 jours après son premier vol).

Tous les paris sur le premier à partir misaient pourtant sur Cèpe (F15), nommé d’après le dessin en forme de champignon sur sa tête, et qui semblait le plus avancé. Comme quoi on ne peut rien prédire. Le refrain « Cèpe est de retour » était devenu un classique, avec sa tendance à s’éclipser jusqu’à deux jours et nuits, souvent hors de la zone de captage de son signal radio, avant de soudainement réapparaître. Nous savons qu’il est allé aussi loin que la réserve naturelle de Chavornay – à 53 km de Bellechasse – grâce à de magnifiques photos prises par André Hübscher le 16 août. Il y a même été vu essayant plusieurs fois de pêcher sans succès, certainement une bonne raison pour lui d’être revenu deux heures plus tard pour un repas à notre « restaurant à Balbuzards » !

Aujourd’hui Cèpe est toujours à Bellechasse, mais il reste à voir pour combien de temps encore. De même pour Taurus (PS7), le mâle de deux ans vu régulièrement depuis le 29 juin. Le seul oiseau dont nous n’avons pas de nouvelles récentes est Fusée (PR9), dont la dernière observation sûre date du 5 mai. Nous suspectons toutefois que certaines observations faites à fin mai et début juin dans la région pourraient l’avoir concerné. Peut-être Fusée a-t-il changé de secteur quand Taurus est revenu ? Nous espérons en tout cas vivement qu’il sera à nouveau repéré dans ses quartiers d’hiver au Sénégal.

The Osprey in Switzerland